18 déc. 2010

Les vignerons du Sud Ouest de la latitude 35° Sud



De l’Atlantique au Pacifique la latitude 35 traverse trois pays producteurs de vins, L’Uruguay, l’Argentine et le Chili. Trois pays au climat de type méditerranéen mais qui en réalité sont bien différents car chacun possède son cépage emblématique venu d’Europe. Aujourd’hui des français ou descendants de français venus du Sud-Ouest sont à la tête de bodégas qui réhabilitent ces cépages disparus ou devenus confidentiels chez nous.
A Progresso prés de Montévidéo, la famille Etcheverry, originaire d’Hasparen, est arrivée en Uruguay en 1906. Le grand père Santo à planté à Cannelones des pieds de Tannat cépage français de la région de Madiran, son fils lui, a construit la bodéga Castillo Viejo. Aujourd’hui, la troisième génération, deux fils et un fille Maria sont à la tête de 150 ha de vignes qui produisent un million six cent mille kg de raisins et exportent dans 27 pays. Castillo Viejo produit également des vins Cabernet, Merlot, Viognier, Pinot Noir et un assemblage Tannat Cabernet Sauvignon appelé : Hasparen ! Ca ne s’invente pas. « La réussite est le capital humain et familial. » déclare Maria, mais aussi c’est d’avoir su aller chercher d’autres terroirs hors de ses bases et de diversifier sa production en s’entourant des conseils d’œnologues français.

Toujours en Uruguay, Sandrine Pont-Nourat et son mari Jason sud africain, sont à la tête de l’Estancia Finca Piedra, propriété de 1000ha que le père de Sandrine, demeurant à Hendaye, a acheté début des années 2000 près de San José. Les 23ha de vignes plantées depuis cinq ans sont depuis peu vinifiés à Castillo Viejo en attendant la construction de leur propre cave. « Nous pensons que dans deux ans nous pourrons avoir notre bodéga. Ici il est facile d’entreprendre, mais il est difficile et long d’obtenir les autorisations, c’est dans la mentalité du pays… » dit Sandrine fataliste. Ce couple de trentenaires a abandonné son travail à Londres pour se consacrer depuis deux ans au développement de l’écotourisme de Finca Piedra, treize bungalows et chambres, restaurant, 300 têtes de bétail ,200 moutons, balades à cheval dans le vignoble et depuis peu dégustation des premières cuvées de Tannat et Cabernet Sauvignon. Depuis Hendaye papa ne pouvait plus gérer….

Consultant pour Nicolas Catena gros viticulteur argentin, Jacques et François Lurton ont découvert début des années 90 le potentiel viticole de cette région désertique dans la plaine de Uco à 1200m d’altitude le long à la cordillère des Andes. Situé à 100km au sud de Mendoza sur un sol fortement caillouteux et drainant avec des amplitudes thermiques importantes entre le jour et la nuit, ils achètent avec l’aide et l’accord de leur père André, 100 ha . « à condition de construire une bodéga au milieu des vignes, comme chez vous en France » leur dit le vendeur.
« Il n’y avait rien, il a fallu amener l’eau , l’électricité , faire les routes, aujourd’hui c’est le Pauillac de l’Argentine » dit François. On vinifie une dizaine de cépages blancs (Tokaî, Pinot gris, Torrontés, Chardonnay…) et rouges ( Malbec, Cot, Cabernet, Bonard…) soit 2500000 litres de vin par an, dont les trois quarts à l’export avec depuis 2002 le grand vin Chacayes assemblage à majorité Malbec vieilli en fûts de chêne d’Aquitaine. La bodéga François Lurton emploie soixante dix personnes formées sur place aux techniques de vinification françaises, les vendanges se font manuellement et peuvent durer jusqu’à trois mois suivant la maturité des cépages.

C’est en 1999 que Bernard Arnaud, Albert Frères par l’intermédiaire de Pierre Lurton directeur de Cheval Blanc, rencontre Terrazas de Los Andes appartenant au groupe LVMH installé en Argentine depuis les années 50. Séduit par la qualité de ses Malbec pré- phylloxériques, matériel végétal extraordinaire non greffé, ils décident de s’associer pour créer un vin d’exception tout en finesse : Cheval des Andes. Ils achètent une propriété de 50 ha sur le piémont Andin à 1100m d’altitude, plantent des cépages bordelais , Cabernet franc , Merlot, Petit Verdot qui viendront s’assembler au Malbec existant dont certains pieds datent de 1929.
« C’est une reconnection avec le passé bordelais : faire un vin 100% argentin avec une signature et un savoir faire français » dit Nicolas Audebert le responsable de Cheval des Andes à Mendoza. Un terroir d’exception de 35 ha avec à la place de la cave une salle de dégustation panoramique ouverte sur les Andes et un terrain de polo sport national après le football. L’élaboration des 70 000 bouteilles de Cheval des Andes est faite en collaboration avec Terrazas de Los Andes dans sa bodéga.

Cinq ans après leur expérience argentine, Jacques et François Lurton, alors « consulting » de Vina San Pédro au Chili, découvrent la vallée de Cochagua à 300km au sud de Santiago, une zone fraîche à 30 km de la côte prés du village de Lolol. Ils achètent à plusieurs propriétaires 220 ha sur les coteaux de granit cryolite et plantent 35 ha de vigne, Sauvignon blanc, Cabernet franc, Syrah, Pinot noir et Carmenère le cépage emblématique du Chili.
La bodéga Araucano est construite en 2003 sur les contreforts de la colline pour vinifier sur place les plus grands vins de la gamme Lurton.
Grâce à la combinaison des nuits fraîches et des entrées maritimes les raisins atteignent ici des niveaux exceptionnels de maturité, ce qui permet de produire des vins très complexes en les assemblant. C’est une culture de la vigne biodynamique, le grand vin Alka est vieilli 18 mois en fûts de chêne « demi-muid » car leur contenance de 600 litres va bien au Carmenère qui n’a pas de masse tannique importante et la surface du bois étant moindre, cela permet d’avoir une bonne harmonisation entre le vin et le bois.
« Ici on a énormément de possibilités, on fait ce que l’on veut, comme on veut et ou on veut, c’est la force du nouveau monde.. » dit Luca Hodgkinson jeune œnologue qui dirige Araucano depuis 4 ans.
Pionniers ou aventuriers, tous ont trouvé sur « latitud 35 sur » du Nouveau Monde , de nombreuses opportunités pour faire de bons vins en respectant le caractére spécifique des terroirs locaux avec une touche de savoir faire français....et bordelais .